Learning ou Digital Learning ? Synonymes… tant le numérique a investi toute activité de formation. En se digitalisant, le « Learning » se trouve confronté aux problématiques connues de longue date dans tous les secteurs où l'innovation bat son plein (par exemple, celui du logiciel). En particulier, aucune réussite durable ne saurait se passer d'une véritable stratégie de partenariat des Directions Formation avec les fournisseurs du numérique.
Le contexte de la formation, c’est celui d’une transformation digitale qui s'est généralisée ?
Michel Diaz : En effet, la transformation digitale de la formation s’est généralisée dans tous les secteurs de l’éducation et de la formation. Dans le monde du travail, cette généralisation a commencé par une forme simplifiée : la diffusion de contenus « e-learning » sur mesure (parfois rudimentaires, mais permettant de répondre rapidement à des besoins métiers) ou sur étagère (via des catalogues de modules au design plus soigné, servant notamment au développement des soft skills). Dans un 2ᵉ temps sont apparues des formes hybrides, avec des formats et des combinaisons toujours plus variés : les modes se sont succédé, progressivement les architectures se sont affinées en même temps que les Directions Formation apprenaient à faire dialoguer des dispositifs et des outils provenant de source hétérogène. Aujourd’hui, on n’échappe plus au Digital Learning ! Entreprises, métiers, collaborateurs en redemandent pour des raisons bien connues (accessibilité universelle, couverture thématique, possibilité de se former juste à temps, juste ce qu’il faut au moment et là où on le souhaite, etc.). De sorte que parler de Digital Learning devient presque inutile, car le « Learning » est forcément digital, sinon blended (les formats traditionnels, du cours en salle au monitorat en situation de travail, étant agencés avec du digital). On ajoutera que cette généralisation (de la transformation digitale du Learning) ne saurait jamais être achevée ni parfaite : les professionnels de formation ne peuvent espérer trouver un jour la « martingale » définitive, car la part numérique, qui entre désormais dans toute combinaison de formation, est soumise au flux incessant de la créativité débordante et de l’innovation de l’offre.
On peut parler d’innovation à tous les étages !
Jean-Roch Houllier : L’ère du Digital Learning l’avait initié, celle de l’IA le confirme : le champ des opportunités en matière d’innovations pédagogiques et digitales semble sans limites. Tous les territoires de la pédagogie sont concernés, qu’il s’agisse, par exemple, du face-à-face « augmenté », des modules d’entraînement permettant la confrontation des savoirs grâce aux agents conversationnels, des communautés d’apprentissage en ligne ou encore de l’action de formation en situation de travail digitalisée. Le défi est de taille pour les départements de formation qui désirent s’y retrouver dans ce labyrinthe de solutions digitales afin de conserver une longueur d’avance sur des métiers de l’entreprise toujours prêts à les tester, voire à les mettre en place si le département formation répond trop lentement !
C’est pourquoi, Chez Safran, nous avons adopté quelques principes pour encadrer nos projets d’innovations pédagogiques et digitales. D’abord, partir de la connaissance du contexte et de la maturité de l’entreprise en matière de Digital Learning pour ancrer et industrialiser les innovations, sauf à vouloir en rester au stade de l’invention. Ensuite, nous avons élaboré une vision et une stratégie de formation qui donne le cap dans la durée et, plus largement, son sens à la démarche d’innovation. Par ailleurs, un plan d’innovations nous permet d’assurer cohérence, structuration, rationalisation, complémentarité et optimisation financière des innovations mises en place. Enfin, l’établissement de quatre critères de sélection aide le département de formation à s’entourer de bons partenaires : utilité pédagogique, dimensions sécuritaires x RGPD, modèle de financement, roadmap de la solution.
En filigrane de ce qui vient d’être dit, une stratégie d'alliances x partenariats s’impose aux Directions Formation ?
Michel Diaz : Il apparaît que les Directions Formation dépendent toujours plus étroitement de leurs fournisseurs « numériques ». L’indépendance vis-à-vis des fournisseurs de formation a certes toujours existé, même avant l’apparition du numérique : alors, il fallait bien équiper les salles de formation, inscrire les collaborateurs à des formations extérieures, etc. Mais on conviendra, par exemple, que la défaillance d’un fournisseur était de moindre conséquence : si rater un cours en salle, c’est mécontenter une dizaine d’apprenants, le ratage d’une formation en ligne peut a contrario être constaté par des centaines, sinon des milliers de collaborateurs. De fait, largement numérisé, le Learning est soumis aux mêmes impératifs que les activités « high tech ». En particulier, son succès est conditionné par la nécessité de nouer des alliances à l’instar de tous les fournisseurs de la tech (y compris ces géants que sont Apple, Meta ou Microsoft, etc.). Dans un contexte où les départements formation voient sans cesse augmenter le nombre et la variété des offres, alors que certaines innovations peuvent devenir déterminantes pour leurs dispositifs, et qu’ils peinent parfois à mettre de l’ordre dans les dispositifs dont ils sont déjà dotés, les responsables formation sont tenus d’acquérir une solide compétence. Désignons-la par la capacité à nouer des alliances fructueuses : identification des fournisseurs dont les propositions sont les plus aptes à moderniser et à améliorer les dispositifs de formation ; capacité à contracter avec ces partenaires (pas seulement sur le plan juridique), à faire vivre le contrat ; capacité à obtenir le meilleur d’eux dans la durée… Sans oublier la capacité à les faire collaborer, car tout dispositif de formation moderne engage dorénavant, potentiellement, l’intervention de plusieurs fournisseurs.
Quelles conclusions pratiques la fonction L&D de Safran en tire-t-elle ?
Jean-Roch Houllier : En complément des principes que j’ai évoqués plus haut, nous considérons que l’écosystème de la formation (« le récepteur des innovations digitales ») joue effectivement un rôle clé dans la capacité de création et déploiement des innovations, ce qui implique qu’on choisisse avec le plus grand soin ses partenaires, notamment les solutions plateforme et outil, que nous prévoyons d'intégrer dans ce écosystème. La sélection de quelques partenaires clés, chacun spécialisé dans un domaine (par exemple, les apprentissages immersifs), apporte une expertise plurielle et complémentaire au département formation. Le « Proof of Concept » (POC) est alors une bonne façon de tester et d’évaluer le potentiel d’une innovation, dans le périmètre détouré limitant risques et investissements, et les fournisseurs concernés y trouvent leur intérêt en expérimentant leur innovation sur le terrain. Quant au partage d’information régulier avec le partenaire, en particulier sur sa roadmap (évolutions fonctionnelles et design de sa solution), il est essentiel, aujourd’hui plus que jamais, alors que l’IA génère un large courant d’innovations. Encore une fois, pour conserver une longueur d’avance, on pourra miser sur des partenaires réellement à l’écoute en matière de besoins fonctionnels et capables de les mettre en œuvre dans leurs solutions.
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